Éthiopie – la mission de terrain affine l’idée d’un institut de formation pour la paix et le développement
En 2017, le Département Justice et Paix de l’Ethiopian Catholic Secretariat contactait le CIEDEL pour étudier la possibilité de monter un institut de formation pour la paix et le développement. L’idée a fait son chemin et, en novembre 2017, deux formatrices du CIEDEL se sont rendues sur place pour une mission exploratoire, afin de mieux comprendre le contexte, les attentes et les ressources locales.
Un pays relativement épargné, mais à la stabilité fragile
Dans la sous-région, avec des voisins comme le Soudan, la Somalie ou l’Érythrée, l’Éthiopie peut se targuer d’une certaine stabilité. Le pays connait un développement économique fort depuis une dizaine d’années et le dialogue communautaire existe entre les différents groupes religieux (43% d’orthodoxes, 18% de protestants, 35 à 40% de musulmans, moins de 1% de catholiques).
Toutefois, des tensions surgissent régulièrement pour des raisons à la fois économiques et historiques. D’une part, le développement économique se fait principalement par l’accueil de grandes entreprises étrangères, dans de grands parcs industriels. Ce développement créé des problèmes de santé publique (industrie du textile), d’accaparation des terres (terres agricoles principalement), ou encore d’expropriation. D’autre part, le découpage du pays s’est surtout fait autour des ethnies en place. De gros mouvements de population ont encore lieu au sein du pays avec par exemple des groupes minoritaires qui rejoignent une région où ils se retrouveront majoritaires.
Les deux dynamiques peuvent se croiser : par exemple à Addis Abeba, le CIEDEL a pu constater la poussée rapide de la nouvelle ville sur des terres agricoles Oromos (35% de la population Éthiopienne), entrainant la grogne de cette ethnie majoritaire mais pas dominante dans la société éthiopienne. Le pays est de plus en plus sous tension, à la fois interethniques et contre l’État.
Un institut de formation et de recherche pour accompagner le travail de terrain des Caritas
Dans ce cadre, l’Ethiopian Catholic Secretariat, membre du réseau Caritas, pense que la minorité catholique a un rôle fort à jouer dans le maintien de la cohésion, de la paix, et d’un développement harmonieux. La minorité catholique est souvent au cœur du dialogue du fait de son retrait par rapport aux luttes d’influence que peuvent mener les autres groupes religieux.
L’Église Catholique a l’avantage de disposer d’un réseau très présent de Caritas locales, qui ont bénéficié de larges fonds internationaux pour développer des projets d’envergure. Le staff maitrise très bien les logiques projet. Cependant, aujourd’hui, les acteurs terrain manquent parfois d’une vision plus large et les professionnels et bénévoles ont du mal à identifier le sens de leur action.
La constitution d’un point de rencontre entre terrain et académique, entre action et réflexion, entre « hardware » et « software » comme le disent les éthiopiens, devient aujourd’hui primordiale pour permettre à l’action des agents de terrain de contribuer à la stabilisation du pays, et non l’inverse.
La formation et la mise en dialogue, les deux composantes du futur institut
La mission de terrain, qui a mobilisé
une centaine d’acteurs pour des entretiens avec les formatrices du CIEDEL et leurs accompagnateurs, a permis de mettre en avant trois priorités pour ce qui pourrait devenir un « institut pour la paix et le développement harmonieux » :
- Les Caritas locales ont véritablement besoin de pouvoir valoriser et formaliser leur travail de terrain, pour le rendre plus cohérent et plus efficace ;
- Les agents de terrain doivent être informés et formés pour comprendre « pourquoi ils mettent en place leurs projets », c’est-à-dire le but et le changement recherché dans leurs actions ;
- Et enfin il est nécessaire de faire dialoguer les agents de terrain avec des universitaires, dans la mesure où le pays a besoin d’une véritable réflexion et d’un plaidoyer efficace sur la paix et l’intégration des différentes cultures.
Les agents de terrain et les universitaires ont de vrais atouts à faire valoir en Éthiopie. Pour ne citer qu’un exemple, des méthodes de gestions de conflit traditionnelles existent au niveau local. Mais en l’absence de lieu et de dynamique pour les valoriser et les essaimer, elles sont remplacées par des guides internationaux, certes utiles mais pas toujours adaptés.
Le projet : appuyer au lancement avant d’aller vers l’autonomie
Cet institut pour la transformation sociale que l’ECS souhaiterait voir apparaitre, devrait s’articuler sur le point de rencontre, la dynamique entre des penseurs universitaires et des agents de terrain. L’institut serait alimenté par trois grandes dynamiques : celle des agents de terrain, qui mettent en place des projets sur le changement climatique, l’intégration sociale ou encore l’éducation ; celle des penseurs de la pastorale, qui mènent souvent des activités autour du dialogue communautaire, du sens, de l’éducation, souvent des penseurs plus que des personnes de terrain ; et celle que pourrait apporter le CIEDEL (puis les formateurs locaux formés), avec des activités de formation/renforcement sur les valeurs humaines, les responsabilités ou les biens communs.
Deux étapes sont prévues pour mettre en place cet espace de recherche et de formation.
Dans un premier temps, le CIEDEL souhaite animer un atelier pour réunir un comité de pilotage, avec les différents acteurs locaux, et construire la démarche et la dynamique à mettre en place, le projet et les objectifs de l’institut.
Ensuite, le CIEDEL proposera des formations de formateurs sur les compétences importantes pré-identifiés pendant la mission exploratoire : plaidoyer, capitalisation d’expériences, méthodes de recherche, communication, gestion de conflit, construction de la paix, ressources humaines, éthique, citoyenneté, interculturel, dynamique de développement local et leadership. Ces compétences permettront à l’institut pour la transformation sociale de mettre en place une véritable dynamique de progression des agents de développement pour la stabilité et le développement harmonieux du pays.
Après cette phase exploratoire qui a validé l’intérêt du projet et donné des axes concrets pour la suite, le projet est rentré dans une phase de recherche de financements. Le but est de rendre l’institut autonome rapidement, mais des fonds seront nécessaires pour lancer la dynamique.