Stage étudiants – Evaluation du festival Lafi Bala à Chambéry
– Lafi Bala un évènement festif qui est un réel succès public mais qui peut encore s’améliorer pour diffuser une image de l’Afrique moins conventionnelle.
Le festival Lafi Bala, évènement public, réalisé en centre ville, gratuit et ouvert à tous est indéniablement un réel succès qui draine une part importante de la population de l’agglomération chambérienne. Le festival est reconnu par tous comme un temps festif, convivial, agréable. C’est devenu un rendez-vous incontournable de la ville.
Dans le même temps, l’essentiel de participants viennent pour écouter de la musique, assister aux spectacles, déguster un plat ou une boisson.
A ce titre, le festival Lafi Bala contribue à diffuser une image positive du Burkina Faso et de l’Afrique en général, mais une image qui reste dans une certaine mesure « convenue », car axée sur la musique, la danse, la fête… donnant à voir une Afrique sous un angle que certains peuvent considérer comme « folklorique ».
Il conviendra de voir comment il peut être possible, tout en restant dans un esprit festif, convivial, de contribuer à renouveler cette image en identifiant de nouvelles activités (défilés de stylistes africains modernes…), en en développant certaines (théâtre, expositions artistiques…), en ouvrant les genres musicaux à de nouvelles programmations (rap…).
– Lafi Bala, une réussite en termes de mobilisation des acteurs du territoire qui appelle à plus de subsidiarité.
Mobilisation des différents services techniques de la ville de Chambéry, implication de plus de 180 bénévoles (membres ou non de l’association Chambéry Ouahigouya), implication d’écoles maternelles et primaires, des écoles de musique et d’art de la ville, d’associations, de l’hôpital… Indéniablement, Lafi Bala mobilise beaucoup de monde à Chambéry, ce qui contribue à la réussite sur le plan de l’organisation et de la participation.
Mais cette mobilisation, très centrée sur des tâches opérationnelles pourrait aller beaucoup plus loin en permettant aux acteurs chambériens qui souhaitent s’inscrire dans une relation avec Ouahigouya dans la durée d’utiliser le temps de Lafi Bala à la fois comme un temps de mise en lumière de leur action, mais aussi comme un « booster » de celle-ci, en concevant et mettant en place des actions spécifiques pour le temps de Lafi Bala, profitant de la venue des partenaires burkinabé, des invités et du grand public.
A l’heure actuelle cela concernerait le lycée de Vaugelas, l’hôpital et le comité de lecture mais potentiellement cela pourrait être étendu à certains services techniques de la ville comme les pompiers, à des écoles de musique ou d’art, à des établissements scolaires du primaire…
En confiant la conception et l’organisation de champs d’activités à ces organisations, cela dégagerait l’association Chambéry Ouahigouya de certaines tâches, cela créerait de la subsidiarité et de l’émulation, enfin cela permettrait de renouveler les actions. Pour cela il serait nécessaire de mettre en place des temps de rencontre entre les différents acteurs impliqués et l’association Chambéry Ouahigouya et le service des relations internationales de la ville de Chambéry pour assurer une bonne cohérence à l’ensemble des actions proposées.
– Lafi Bala, le Burkina Faso en fête, mais quelle est la place de Ouahigouya dans la fête ?
A ce jour, la ville et les acteurs de Ouahigouya sont peu impliqués dans la conception du festival, et y viennent comme invités pour prendre la parole (les élus et techniciens), pour la programmation artistique (les musiciens, danseurs, chanteurs, conteurs) ou pour vendre leurs produits (les artisans). Mais la ville et les acteurs de Ouahigouya n’ont pas la responsabilité de concevoir et d’organiser une ou plusieurs actions durant le Festival.
Ne serait il pas intéressant, dans une relation de coopération décentralisée, que l’association Chambéry Ouahigouya donne carte blanche à la ville et/ou à des acteurs associatifs de Ouahigouya pour qu’ils organisent une activité durant le festival, amenant ainsi à se poser les questions autour de l’interculturalité (cela va-t-il plaire, cela va-t-il intéresser le public chambérien ? A quelles conditions ?), de la priorisation de ce que Ouahigouya veut donner à voir aux chambériens (une image des traditions ou au contraire des innovations et de l’Afrique dans sa diversité contemporaine ? la vie de tous les jours ou les institutions ?…) et enfin à se confronter aux modes d’organisation et de fonctionnement de la ville de Chambéry pour préparer et mener l’action (rétroplaning, répartition des rôles et responsabilités…) ?
Cette évolution permettrait de rentrer dans une logique de réciprocité
– Lafi Bala, un moteur du changement qui carbure au contact !
L’étude de l’impact de Lafi Bala sur les chambériens, a montré que l’impact le plus fort est dû aux contacts directs entre chambériens et burkinabé, en particulier au sein des familles qui logent chez eux des membres de la délégation burkinabé. Meilleure connaissance de l’Afrique, identification et acceptation des différences culturelles, tolérance, changement de comportement vis-à-vis des autres… sont autant d’effets produits par Lafi Bala chez les chambériens qui ont la chance durant la période du festival de côtoyer au quotidien des femmes et des hommes d’un autre continent, d’une autre culture et d’apprendre à se connaître et s’apprécier.
Il serait sans doute intéressant, sur la base de ce constat de renforcer ces temps d’échange en élargissant le nombre des familles qui vont accueillir des membres de la délégation, en voyant la possibilité que chaque famille hôte puisse organiser des temps conviviaux avec des proches, des voisins pour favoriser les temps de rencontre et d’échanges de proximité entre burkinabé et chambériens et enfin en organisant aussi un temps de débriefing au départ de ceux-ci.
– Lafi Bala, une réussite reconnue dans le monde de la coopération décentralisée qui se doit de continuer à innover !
Le festival Lafi Bala est unique en France et contribue au rayonnement de la ville de Chambéry, en France et à l’étranger. Ce succès entraine l’exigence pour ses organisateurs de continuer à innover à expérimenter à la fois pour que le festival continue à être un temps de fête conviviale, agréable ou les chambériens ont envie de passer un bon moment, mais aussi pour que cela soit un temps d’ouverture au monde, et de construction d’une société plus solidaire.
Les recommandations présentées ci-dessus vont dans ce sens. Mais d’autres ont été identifiées pendant l’évaluation, en particulier l’idée que lors de chaque édition du festival, les organisateurs puissent « inviter » à celui-ci une ville ou un pays étranger important pour une des deux villes partenaires. Par exemple, une année Ouahigouya pourrait inviter le Liban, dont des ressortissants sont présents depuis fort longtemps à Ouahigouya, une autre année, Chambéry pourrait inviter la Tunisie, qui est le pays d’origine de nombreux chambériens, etc.
Ceci permettrait d’ouvrir la relation de coopération décentralisée, de renouveler la programmation du festival et de créer de nouveaux liens.
Christophe MESTRE et Pascale VINCENT