Croiser les solidarités : vers un laboratoire d’échanges et de production
Depuis plusieurs années, le CIEDEL est impliqué dans la lutte contre les inégalités, tant dans ses actions de renforcement que dans ses réflexions (par exemple avec le Réseau Impact). L’émergence d’un Laboratoire d’échanges et de production sur les solidarités (pour l’instant à l’état de projet, mené par différents acteurs du développement et de la solidarité) est donc une belle occasion pour relancer une dynamique collective sur le sujet. Une perspective à laquelle le CIEDEL adhère avec enthousiasme. Voici pourquoi.
La pauvreté, conséquence des inégalités
Il est banal (mais néanmoins important) de dire que notre monde est caractérisé par l’existence de la pauvreté, voire de l’extrême pauvreté. Elle concerne une part importante de l’humanité. Cette pauvreté a beau être « chronique » ou « répandue », il apparait de plus en plus clairement qu’elle est insoutenable et qu’elle doit être corrigée – c’était l’un des messages initié par les OMD.
Depuis les années 90, les pays du Sud, ont élaboré des « cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté » (CSLP), avec l’appui des bailleurs de fonds. Des politiques de réduction de la pauvreté ont été mis en place dans de nombreux pays. Elles incluent le développement de mécanismes de solidarité, en particulier à travers des mécanismes de redistribution.
Parallèlement la réflexion sur la pauvreté s’est étendue et a commencé à prendre en compte l’existence de la pauvreté et de l’extrême pauvreté dans les pays du Nord. Cette avancée a amené à mettre en place des programmes et des politiques de filets sociaux (aides sociales en général, RMI en 1988).
Enfin depuis quelques années la lutte contre la pauvreté par la solidarité fait place à des politiques de croissance visant à générer de la richesse qui pourrait alors bénéficier au plus grand nombre et, théoriquement, supprimer ou réduire la pauvreté.
Ces réflexions et ces politiques nous semblent cacher une réalité plus profonde : celle des inégalités. La pauvreté n’est qu’une conséquence des inégalités – les richesses créées au niveau mondial étant en théorie largement suffisantes pour permettre à chacun de vivre décemment.
Début 2010, le Réseau Impact avait permis d’identifier 4 catégories d’inégalités
Porté par cette réflexion, le CIEDEL s’était rapproché au début des années 2010 du Réseau Impact (Appui aux politiques publiques de réduction de la pauvreté et des inégalités). Il y a entre autre publié un document intitulé « Réduire les inégalités par des politiques publiques locales. Orientations méthodologiques ». Cette problématique a ensuite été prise en charge dans le cadre du PROFADEL (dont le CIEDEL est l’un des 7 membres) pour élaborer un module de formation sur le sujet.
La réflexion engagée au sein du Réseau Impact et continuée par la suite avait permis d’identifier quatre grandes catégories d’inégalités :
- de revenus,
- d’accès aux services,
- de capabilités (c’est-à-dire d’aptitudes : capacité et habilitée à agir),
- et d’accès au pouvoir.
Les inégalités d’accès au pouvoir étant, dans notre analyse, la cause des autres catégories d’inégalités. La lutte contre les inégalités implique donc de contribuer à restaurer ou à construire un meilleur accès pour tous au pouvoir. Elle relève donc du champ politique.
2017-18 : la relance des réflexions sur les inégalités ?
La disparition du Réseau Impact a donné un coup d’arrêt à la réflexion collective sur le sujet. Les inégalités ont eu tendance à passer au second plan, effacées par d’autres problématiques du 21ème siècle : la paix, la sécurité, les migrations, le climat… Et même si l’ODD 10 s’intitule « inégalités réduites », il ne mentionne que les inégalités de revenu.
Or, depuis quelques mois, nous assistons à la relance d’une dynamique collective, portée par des organismes de solidarité internationale et nationale. L’objectif de ce collectif (laboratoire des solidarités) est de contribuer à renouveler les pratiques et les politiques de solidarité en croisant les expériences et en mettant au centre la réduction des inégalités de pouvoir, et donc une vision politique des inégalités.
Le CIEDEL, engagé dans la dynamique
Pour le CIEDEL, il semble évident d’adhérer à cette dynamique collective. Les spécificités et les valeurs portées par le CIEDEL nous donnent 5 bonnes raisons de prendre place dans cette dynamique et de contribuer à ces efforts pour mieux agir sur la réduction des inégalités :
- le partage d’une lecture politique des inégalités, commune avec les porteurs de la dynamique ;
- la conviction que ce sont les inégalités de pouvoir qui sont à l’origine d’une partie des maux qui affectent notre planète au 21ème siècle ;
- l’intérêt à articuler une lecture horizontale (par les territoires) et une lecture verticale (par les politiques publiques) de la question des inégalités ;
- l’immense réservoir d’analyse et de pratiques que représente le réseau des praticiens du développement (des professionnels de 60 pays s’étant formés au CIEDEL) qui peut permettre de travailler sur cette dynamique à une échelle large et en lien avec le terrain ;
- le perpétuel croisement des savoirs et des pratiques au CIEDEL, à travers les formations et les activités d’appui sur le terrain, le « ici » et le « là-bas », qui peuvent alimenter la réflexion et l’action de manière singulière.
Parce que nous pensons que cette dynamique mérite d’être connue, nous vous tiendrons informés des suites de ce chantier et des modalités vous permettant d’y participer, d’y contribuer.